Le programme

J’ai toujours considéré mon cerveau comme un ordinateur un peu spécial.
 

Un ordinateur dans le sens où j’ai vraiment l’impression d’installer des applications lorsque j’apprends des choses.

Spécial car contrairement à mon ordinateur, l’installation est loin d’être immédiate.
 

Prenons par exemple l’anglais. Pour que mon ordinateur reconnaisse l’anglais (et me fasse des supers corrections de merde lorsque je tape du texte) il me suffit de cliquer sur un petit bouton.

Pour mon cerveau, l’opération est…comment dire…plus chaotique.
 

En fait la première installation du système « I speak english like a boss » commence par le module « Brian is in da fucking kitchen ».

Ce module bien qu’essentiel ne garantit pas grand-chose à part de vous donner la position de ce con de Brian.

Pourtant, victime du marketing de l’éducation nationale, j’ai cru que cela pouvait suffire et j’ai donc décidé que j’étais prêt, suite à l’installation de ce premier module à venir travailler aux Etats-Unis.


Les premiers mois furent sanglants.


En gros ma compréhension des meetings pouvait être résumée par :

  • Hello all!
  • [Gros vide stellaire de 59 minutes ou vous sentez bien que vous êtes complètement en phase avec votre vie]
  • …See you guys!


J’ai donc rapidement décidé d’installer le module « Reconnaissance vocale » qui m’a permit de reconnaitre les mots émis par mes chers collègues.


Les réunions s’en sont trouvées rapidement améliorées et je pouvais ainsi me faire lors de ces réunions un mail à moi-même ou je dactylographiais les sons entendus durant une heure.

Il faut toutefois noter que ce module est intimement lié à un autre : le module « Reconnaissance vocale instantanée » qui vous évite de passer 30 ans à reconnaitre un mot alors que votre interlocuteur continue à débiter son flot (Je les soupçonne d’ailleurs de détecter votre regard vitreux quand vous n’avez pas bien entendu et d’en profiter pour accélérer comme des petites salopes. Car vous l’aurez compris, le monde entier se bat les nouilles de savoir si vous comprenez quelque chose ou pas. C’est la guerre. Vous êtes seul face à votre destin.)


La technique de la prise de note est importante tant que vous n’avez pas d’autres modules car elle permet de relire (et de comprendre ce qui s’est passé) a posteriori et surtout elle vous donne de la contenance en réunion. Le piège à éviter par-dessus tout ici c’est d’avoir l’air oisif car dans ce cas-là vous avez de fortes chances que l’on vous pose une question ou qu’on vous passe la parole. Si cela devait arriver, cela serait un carnage. Et soyez sur que personne ne vous demandera jamais ou se trouve l’autre trou du cul de Brian.


Ce qui nous amène au module suivant : « L’expression orale ». Une fois installé ce module va changer votre vie. Il y aura un avant et un après. Surtout si vous installez aussi le module « Je m’en bats les steaks de ce que tu penses de mon niveau d’anglais ». A vous la prise de parole en public grâce à ces deux modules ! Vous allez enfin pouvoir partager votre opinion et servir à quelque chose !!


Du statut de Homo Dactylis vous passez au statut d’homo Exprimis. Il faudra toutefois faire vite l’acquisition du module « Vocabulaire » qui permet de sortir d’autres phrases que « yes, yes, yes… ».

Ce module est aussi important pour faire des phrases concises car sans lui vous allez devoir galérer comme des veaux pour faire passer vos idées : «_And this is when I decided to use my….my….my….what the heck is the word for this bloody crap ??? _You know, the stuff that you can use to go somewhere when you don’t want to walk, you see what I mean ???? Yeah..a car ! »


Finalement il vous restera un dernier module avant d’avoir le programme complet : le module « Correction grammaticale ». Sans lui vous vous condamnez à lire le mépris dans les yeux de votre interlocuteur à chaque faute de grammaire que vous ne manquerez pas de faire. Et cela peut vite être extrêmement troublant (Pour des besoins pédagogiques évidents, la discussion relatée ci-après a été entièrement traduite en français) :

  • Vous : « Et donc c’est ici que se trouvit le problème… »
  • Ce que les yeux de votre interlocuteur affichent sur un panneau de 4m entouré de néons : « Pauvre tâchon de français mais tu ne sais même pas parler et tu veux régler des problèmes »
  • Vous : « Nous pourriez par exemple fixer ce soucis en introdouisant… »
  • Les yeux : « Sans déconner tu es à fond là ? Mais même mon chien muet parle mieux que toi »
  • Vous : « …_un_ méthode de tests récursive »
  • Les yeux : « Mon dieu je ne comprends rien de ce qu’il raconte, je pense qu’on va l’abattre ça sert à rien de le laisser souffrir, ça reste un être vivant quand même »


Et le problème c’est que ce dernier module est extrêmement long à installer. Je me rappelle m’être moqué plusieurs fois d’étrangers essayant de parler français. Je pense que tout ceci est en fait ma pénitence.